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Le Conseil des Etats a décidé de prendre des mesures lors de la session du mois de septembre 2019, dans le cadre de la « loi sur le CO2». Parmi les mesures les plus discutées ou « combattues », l’introduction d’une taxe sur les billets d’avion et l’augmentation du prix de l’essence de 12 centimes.

Jusqu’à présent, force est de constater que l’on entend de nombreux arguments contre l’augmentation du prix de l’essence.

Celle-ci défavorisera les régions périphériques, qui ne disposent pas d’une desserte en transport public toutes les 10 minutes. Toutes les 10 minutes. A-t-on réellement besoin d’une telle desserte pour nous inciter à prendre les transports publics? Dans mon village de Corgémont, j’ai un train par heure pour Bienne et c’est viable. C’est une question de volonté, de renonciation à sa sacro-sainte liberté (ne pas avoir de contraintes d’horaires) et de son petit confort… et un peu d’organisation. Il est évident que 2 trains (ou plus?) par heure ne seraient pas de trop, mais cela n’en fait pas un moyen de transport impossible à utiliser pour autant!

Une idée farfelue entendue récemment: « Réduire la cadence des bus en ville de Berne pour financer des mesures de transports publics en périphérie. Et voir comment les citadins réagissent! ». Mais remettons les choses dans leur contexte: la ville de Berne compte 2’600 habitants au km2, contre moins de 100 pour le Jura Bernois.

Il me semble évident qu’une augmentation du prix de l’essence doit être accompagnée.

Cette augmentation devrait également être utilisée pour accélérer la transition vers des modes de transports plus économique et plus respectueux du climat, comme le train. Dans les régions périphériques, il est souvent très difficile de se passer totalement de sa voiture. Et on devrait en tenir compte, et utiliser une partie des taxes supplémentaires pour ne pas opposer villes et campagnes.

On entend également qu’une telle augmentation ne servira à rien pour diminuer la consommation. C’est partiellement vrai, à l’instar du paquet de cigarettes: si on veut générer une baisse drastique de la consommation, il faudrait augmenter massivement le prix du paquet. Même en tant que non-fumeur, l’hypocrisie d’une augmentation du prix du paquet de cigarettes à coup de 20 centimes m’a toujours choqué.

Pour l’essence, on parle de CHF 3.- le litre, pour avoir une réduction massive. Mais cela ne semble pas réaliste pour un politicien de soutenir une telle mesure. Il y aurait une levée massive de boucliers et de nombreuses personnes ne manifestant plus pour le climat, mais contre le prix de l’essence. Cela pourrait probablement impliquer une sorte de révolte très forte. Mais ce serait une mesure qui impliquerait un vrai changement dans la consommation d’énergies fossiles et une recherche accélérée d’alternatives (telles que les voitures à hydrogène, par exemple).

Je me suis amusé à faire une simulation de ce que représentent ces 12 centimes d’augmentation par litre d’essence… Le surcoût serait de CHF 192.- par an pour un kilométrage de 20’000 kms/an, pour une voiture familiale (Alhambra) consommant en moyenne 8L/100kms.

Soit CHF 16.-/mois.

Est-ce à ce point impayable? 

Mais surtout, cette augmentation ne tient pas compte de l’effet recherché: diminuer le nombre de kilomètres parcourus! En diminuant son kilométrage de 5% (soit grosso modo 1’000kms de moins par an ou 20km par semaine), l’augmentation finale ne serait « plus que » de CHF 50.40/an… ou  CHF 4.25 par mois. Toujours aussi impensable?

Voici le détail de mes calculs pour mesurer l’impact de l’augmentation du prix du litre d’essence:

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Mes calculs (et mes hypothèses) m’indiquent qu’au final, en réduisant le nombre de kilomètres parcourus de 5%, je ne paierais « que » CHF 50.40 de plus… en réussissant à économiser 314kg de CO2!

En Suisse, nous effectuons près de 52 milliards de kms par an, selon l’Office Fédéral de la Statistique. Ce chiffre date de 2010 et a certainement augmenté depuis.

En appliquant les mêmes calculs, j’ai découvert que cette augmentation de 12 centimes (et une réduction des kms de 5%) permettrait une réduction d’émission de CO2 de 816’000 tonnes.

Soit une réduction de 96kg d’émission de CO2 par habitant en Suisse, par an!

Le produit de cette taxe de 12 centimes, selon les mêmes hypothèses, permettrait de générer près de CHF 475 millions. Ces nouveaux revenus pourraient être affectés par exemple à l’accompagnement de cette transition, à l’amélioration des transports publics en périphérie, à l’augmentation/incitation du co-voiturage, etc.

Est-ce ainsi crédible de s’opposer à l’augmentation du prix de l’essence?

Il me semble que l’humanité a vécu une sorte « d’âge d’or du tout à la voiture », mais que l’on commence enfin à reconnaitre que nous devrons adapter notre mode de vie.

Tout le monde doit faire des efforts, et non seulement une seule catégorie de gens: les riches et les pauvres, les citadins et les campagnards, les gros et les maigres, les mangeurs de viande et les vegans… tous ;-)!

Depuis plus d’un an, je tente de limiter au maximum mes déplacements en voiture et j’arrive effectivement diminuer les kms… malheureusement pas d’un facteur 10. Mais il me semble raisonnable de réduire son kilométrage facilement de 5%, sans pour autant crier au scandale.

Le but d’une telle taxe est d’inciter les gens à moins faire de kilomètres. Les calculs ci-dessus permettent de montrer que c’est possible. Cela ne va peut-être pas assez loin dans l’idée d’avoir une société neutre en carbone, mais c’est un premier pas, réaliste et supportable.

En tant qu’entrepreneur, je tente toujours de trouver des solutions pragmatiques et implémentables. Personne n’aime payer des taxes, moi pas plus qu’un autre. Si chacun diminuait ses kms sans qu’il soit nécessaire d’augmenter le prix de l’essence, ce serait idéal. Mais cela me semble malheureusement utopiste. Il est temps d’agir!

Chacun ne peut-il pas déjà réfléchir à une réduction de ses émissions de CO2 générées par ses déplacements, tout de suite? Ne peut-on pas réduire une partie des kilomètres parcourus en voiture sans attendre l’introduction de taxes, et sans fondamentalement diminuer notre confort?